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Les nouveautés de la Loi MACRON

Priscille de DAVID BEAUREGARD, Pascal TRILLAT
Article publié le 07/10/2015

Très médiatisée et attendue, la loi n°2015-990 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite « loi Macron ») a été promulguée le 6 août 2015.

Seront présentées, de manière non exhaustive, d’importantes nouveautés en droit de la distribution (I), droit commercial (II) et droit social (III).

I.      LOI MACRON ET DROIT DE LA DISTRIBUTION

 

La loi Macron encadre l’organisation des réseaux de distribution (A) et réforme les relations entre fournisseurs et distributeurs (B).

 

A.   ENCADREMENT DES RESEAUX DE DISTRIBUTION

? L’article 31 de la loi Macron introduit dans le Code de commerce un nouveau titre : « Des réseaux de distribution commerciale » (nouvel art. L341-1 et suivants), applicable à compter du 6 août 2016.

Le nouveau dispositif encadre l’ensemble des contrats conclus entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants ou mettant à disposition un nom commercial, une marque ou une enseigne et, d’autre part, toute personne exploitant au moins un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale.

La loi vise la totalité du commerce de détail et dépasse ainsi le domaine de la distribution alimentaire. Seront concernés les réseaux de distribution regroupant des commerçants indépendants comme les réseaux intégrés constitués de succursales ou de filiales.

? Par ailleurs, un principe jurisprudentiel en droit positif veut que la résiliation ou l'annulation d’un contrat ne peut emporter l’anéantissement d’un autre contrat que si les deux contrats sont interdépendants ou indivisibles (Civ. 1re, 4 avr. 2006, no 02-18.277 ; Com. 5 juin 2007, no 04-20.380) ; l'appréciation de l'interdépendance relevant du pouvoir souverain des juges du fond.

 

La loi Macron crée désormais, un principe législatif d’échéance et de résiliation communes de l’ensemble des contrats qui constituent un réseau de distribution : la résiliation de l’un des contrats vaudra automatiquement résiliation de l’ensemble des contrats.

Le texte ne visant que la résiliation, la jurisprudence en vigueur restera applicable à l’annulation d’un des contrats du réseau.

? Un principe d’interdiction des clauses de non-concurrence et de non-ré-affiliation post-contractuelles est également instauré, principe auquel il pourra être dérogé si quatre conditions cumulatives sont réunies, à savoir :

-            si la clause concerne des biens et services en concurrence avec l’objet du contrat,

-            si elle est limitée aux terrains et locaux dans lesquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée  du contrat,

-            si elle est indispensable à la protection du savoir-faire transmis dans le cadre du contrat,

-            et si sa durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats constitutifs de la relation.

 

B.REFORME DES RELATIONS FOURNISSEURS/DISTRIBUTEURS

? Afin de mettre le droit français en conformité avec les directives européennes, la loi Macron prévoit désormais que le délai de principe convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser 60 jours à compter de la date d’émission de la facture (C. com., art. L441-6).

Par dérogation, un délai maximal de 45 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture peut être expressément stipulé par les parties, à condition qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. 

A noter que ces délais ne s’appliquent pas aux secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué, faisant l’objet d’une réglementation spécifique.

? Une convention unique annuelle devra toujours être conclue entre tout fournisseur et un « grossiste », entendu comme « toute personne physique ou morale qui, à des fins professionnelles, achète des produits à un ou plusieurs fournisseurs et les revend, à titre principal, à d’autres commerçants, grossistes ou détaillants, à des transformateurs ou à tout autre professionnel qui s’approvisionne pour les besoins de son activité », auquel sont assimilés les centrales d’achat ou de référencement de grossistes.

La loi Macron vient toutefois alléger le formalisme entourant cette convention unique « grossiste » (C. com., art. L441-7-1), qui doit toujours être conclue avant le 1er mars de chaque année :

-            elle est dispensée d’indiquer le barème de prix du fournisseur ou les modalités de consultation de ce barème. En revanche, les conditions de vente, prestations de coopérations commerciales et « autres obligations » destinées à favoriser la relation commerciale doivent toujours y être indiquées,

-            les parties peuvent aménager les « types de situation et les modalités selon lesquelles des conditions dérogatoires de l’opération de vente seraient susceptibles d’être appliquées». Il s'agit de préciser les conditions dans lesquelles le grossiste et le fournisseur peuvent déroger aux règles de la stricte négociation commerciale afin de permettre au fournisseur de favoriser la commercialisation de ses produits.

A défaut de conclure une convention unique conforme dans les délais prévus, les sanctions sont identiques à celles prévues par le régime de la convention unique « classique » : une amende administrative d’un montant maximal de 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale.

? Enfin, une clause de renégociation des prix doit désormais être prévue en cas de fluctuation des prix des matières premières agricoles et alimentaires dans les contrats d’une durée d’exécution supérieure à trois mois « portant sur la conception et la production, selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur, de produits mentionnés au premier alinéa » (C. com., art. L441-8).

 

II.          LOI MACRON ET DROIT COMMERCIAL

La loi Macron apporte des modifications en matière d’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel (A), de baux commerciaux (B) et de cession de fonds de commerce (C).

 

A.   INSAISISSABILITE DE DROIT DE LA RESIDENCE PRINCIPALE DE L’ENTREPRENEUR INDIVIDUEL

? Jusqu’ici, l’insaisissabilité de tout bien foncier non professionnel appartenant à un entrepreneur individuel, à l’égard de ses créanciers professionnels, était subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration devant notaire.

? Désormais, la loi introduit une insaisissabilité de droit (C. com., art. L526-1 et s.), mais la limitant à la seule résidence principale de l’entrepreneur individuel, à l’égard de ses seuls créanciers professionnels dont la créance est née postérieurement à la publication de la loi, soit le 8 août 2015.

Cette insaisissabilité de droit s’applique en toutes circonstances, y compris lorsqu’une partie de la résidence principale est utilisée pour un usage professionnel ou en cas de domiciliation de l’entrepreneur dans son local d’habitation, sans qu’aucun état descriptif de division soit nécessaire.

En revanche, pour les autres biens fonciers non affectés à un usage professionnel, notamment pour une résidence secondaire, l’insaisissabilité demeure subordonnée à une déclaration notariée.

? Le régime de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale est calqué sur celui applicable sur déclaration notariée.

Cette insaisissabilité est ainsi inopposable à l’administration fiscale en cas de fraude ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales de l’entrepreneur individuel et ce dernier a toujours la possibilité de renoncer à l’insaisissabilité.

En cas de vente de la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, à la condition du remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition par l’entrepreneur d’un immeuble où est fixée sa résidence principale.

Enfin, les effets de l’insaisissabilité subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque l’entrepreneur individuel est attributaire de sa résidence principale. En cas de décès, les effets de l’insaisissabilité subsistent jusqu’à la liquidation de la succession.

 

B.   BAUX COMMERCIAUX : GENERALISATION DE LA NOTIFICATION EN MATIERE DE DELIVRANCE DES ACTES

? Jusqu’ici, les notifications en matière de délivrance d’actes devaient principalement être faites par acte d’huissier, l’usage de la lettre recommandée avec avis de réception étant réservé à des cas particuliers.

? Désormais, la loi Macron élargit les possibilités de recourir à la lettre recommandée de sorte que l’exigence d’un acte d’huissier est maintenue dans les seuls cas suivants :

-            congé donné par le bailleur à l’expiration d’une période triennale (C. com., art. L145-4),

-            congé donné par le bailleur au terme du contrat, à son initiative (C. com., art. L145-9),

-            réponse du bailleur à une demande de renouvellement (C. com., art. L145-10),

-            mise en demeure du locataire en cas d’inexécution de ses obligations et de mise en œuvre d’une clause résolutoire (C. com., L145-17 et L145-41 inchangés).

 

C.   SIMPLIFICATION DE LA PUBLICATION DE LA VENTE DU FONDS DE COMMERCE

? La loi Macron a supprimé l’obligation de publier la cession d’un fonds de commerce dans un journal d’annonces légales (C. com., art. L141-12). Seule la publicité au BODACC subsiste, qui devra intervenir « à la diligence de l’acquéreur ».

? Cette simplification a entraîné des modifications subséquentes :

-            le délai de 10 jours imparti aux créanciers du vendeur pour former opposition au paiement du prix a désormais pour point de départ la publication au BODACC (C. com., art. L141-14),

-            seule la publicité au BODACC est prise en compte pour déterminer si le paiement fait au cédant libère valablement le cessionnaire (C. com., art. L141-17),

-            le délai de 45 jours pour déclarer à l’administration fiscale la vente d’un fonds de commerce, dans le cadre de l’impôt sur le revenu, court à compter de la publication au BODACC (CGI, art. 201).

 

III.LOI MACRON ET DROIT SOCIAL

La loi, visant à améliorer le fonctionnement de la justice prud’homale, en accélère la procédure (1), généralise la faculté de recours au règlement amiable des conflits (2) et fixe un référentiel de dommages-intérêts en cas de licenciements (3). Ces mesures sont applicables depuis le 7 août 2015, sauf dispositions contraires ou nécessitant des textes réglementaires.

 

A.   UNE JUSTICE PRUD’HOMALE PLUS RAPIDE

? Jusqu’ici, la procédure prud’homale débutait par une phase de conciliation devant le bureau de conciliation, puis se poursuivait devant un bureau de jugement constitué d’un nombre identique de conseillers employeurs et salariés. En cas de départage de voix de ces conseillers, l’affaire était renvoyée à une audience présidée par le juge d’instance.

? Désormais, le rôle du bureau de conciliation, renommé « bureau de conciliation et d’orientation » (« BCO »), est renforcé et ce dernier pourra entendre chacune des parties séparément et dans la confidentialité (C. trav., art. L1454-1).

En cas d’échec de la conciliation, il pourra renvoyer les parties (C. trav., art. L1454-1-1) :

-            soit, avec leur accord et si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation du contrat de travail, devant le bureau de jugement dans une composition restreinte (un conseiller employeur et un conseiller salarié) qui statuera dans un délai de trois mois,

-            soit directement devant le juge départiteur, c’est-à-dire le bureau de jugement classique, désormais présidé par un juge du Tribunal de grande instance, lorsque la nature du litige le justifie ou si les parties le demandent,

-            et, à défaut, devant le bureau de jugement dans sa formation classique (2 conseillers employeurs et 2 conseillers salariés).

? Une nouveauté réside également en ce qu’a défaut de comparaitre (personnellement ou par représentation), sans invoquer de motif légitime, le BCO pourra statuer comme bureau de jugement dans sa composition restreinte, en l’état des pièces et moyens que la partie présente a communiqués de manière contradictoire (C. trav., art. L1454-1-3).

 

B.   INCITATION AUX REGLEMENTS AMIABLES DES LITIGES

Deux mesures favorisent les modes de résolution amiable des conflits.

? La loi généralise ainsi la possibilité de recourir à la médiation conventionnelle pour tout conflit lié à un contrat de travail, alors qu’elle était jusqu’ici réservée aux seuls différends transfrontaliers. L’accord ainsi trouvé à l’aide d’un médiateur devra être homologué par le juge pour avoir force exécutoire.

? Dans le même ordre d’idée, les litiges liés à un contrat de travail ne sont désormais plus exclus des procédures participatives, par lesquelles un accord est recherché entre les parties avec l’assistance d’un avocat et qui devra également être homologué par le juge pour avoir force exécutoire.

 

C.   UN REFERENTIEL DES INDEMNITES DE LICENCIEMENT

La loi Macron fixe un référentiel indicatif pour faciliter la fixation, par le juge, de l’indemnisation des salariés en cas de licenciement irrégulier ou sans cause réelle et sérieuse (C. trav., art. L1235-1). Ce référentiel entrera en vigueur dès publication du Conseil d’Etat l’établissant.

Il aura pour but de fixer le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée au demandeur, en sus des indemnités légales et conventionnelles, en fonction notamment de son ancienneté, de son âge et de sa situation à l'emploi.

L’utilisation de ce référentiel par les conseillers prud’homaux est facultative. Toutefois, ils seront tenus de l’appliquer si les parties en font conjointement la demande.

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Auteurs

Priscille de DAVID BEAUREGARD                                               Pascal TRILLAT

dedavidbeauregard@72vh.com                                                       trillat@72vh.com

 

                                                                                              

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